La rentrée des classes est toujours un moment ambivalent. Vous êtes tout excité, vous avez choisi vos habits depuis plusieurs jours – histoire de faire comprendre d’emblée à tout le monde que, cette année, vous allez envoyer du bois – et cependant, la boule au ventre est tenace. À quelle sauce allez-vous être mangé ?
Que vous veniez à pieds ou que papa vous dépose en voiture, l’appréhension augmente à l’abord du collège. L’endroit est bondé. Tout le monde se marre et s’embrasse à mille bras. Normal, après 2 mois de vacances, ça faisait troooooooop-longtemps-putain. Vous vous faufilez dans la foule. Un mec mignon vient de vous écraser le pied parce qu’il faisait un selfie avec ses potes (trop bogoss aussi). Vous vous sentez minuscule.
Vous stressez. Où sont vos copines ?
Vous ne savez pas quoi faire de votre corps. Il est définitivement en trop, là maintenant.
Et puis, dans quelle classe allez-vous être placé ?
Vous y étiez hein ? Revenu au collège, je veux dire.
Eh bien, un défilé d’une grande maison parisienne, c’est pareil.
Les mêmes phénomènes qu’à nos 15 ans se produisent. La loi du plus beau, du plus cool, et la loi du groupe dominent les échanges, résumant la vie à un laconique, « T’en es ou pas ? ».
Conséquence, par défense, tout le monde se met à diorer les mêmes chaussures, les mêmes sacs, voire les mêmes nippes.
De la même manière que tous les gens de ma génération ont dioré des Reebok, des jeans Cimarron et des sacs à dos Hervé Chapelier.
Et le plus surprenant, c’est que cela ne semble dédiorer personne.
Au contraire.
Ils sont d’une détente absolue.
Voire même, totalement rassérénés.
Souvenez-vous du délicieux sentiment d’appartenance que vous procuraient ces fameuses Reebok au collège.
C’était si bon, si réconfortant d’être identique.
Au collège Dior, c’est pareil. Sauf que vous ne diorez pas des Reebok mais les chaussures de la saison. Pour être honnête, la cour se divise en deux mondes : celles qui J’adior (comme ci-dessus) et celles qui Dioramour (comme ci-dessous).
Des escarpins en cuir noir orné d’un coeur rouge.
Avec un talon dit « choc » inventé par Roger Vivier pour Christian Dior dans les années 50.
Mignons. (790 euros pour info)
Ça fait drôle hein de les voir toutes pareilles maintenant que nous, on est devenu adulte ?
Bon. Mais le meilleur c’est que tous les personnages qui ont fait vibrer nos années collège ressurgissent comme par enchantement (ou désenchantement aha) : la « star » du collège que tout le bahut connaît, la fille trop stylée, celle qui sort avec le bogoss de l’école etc.
(et puis il y a la masse qui essaie de s’en sortir malgré cet âge ingrat qui éreinte)(un peu moche, invisible et en échec total niveau boyfriend)
Par exemple, il y a la star du collège, celle que toute l’école connaît et adule. Inaccessible, elle porte un modèle qu’on n’a vu nulle part (et même pas sur le site). Si tu lui demandes d’où ça vient (dans un grand élan de courage et nonobstant ta dignité), elle risque de te répondre qu’elle l’a ramené de New York quand elle est partie avec son père et sa belle-mère aux vacances de la Toussaint.
(toi et tes vacances à Clermont-Ferrand chez mamie, c’est vraiment déprimant)
Vous avez reconnu Eva Herzigova.
Parfois le proviseur invite des personnalités pour faire des rencontres avec les élèves. Là, ce sont les mollets d’une des actrices les plus célèbres au monde. Elle est blonde, elle est Lynchienne, elle ne fait pas beaucoup de piqûres – seulement au front (je l’ai observée de près) – ce qui reste un acte de bravoure dans ce monde où la jeunesse éternelle écrase toutes les autres valeurs.
Et du coup, pour faire plaisir au proviseur qui la paye quand même pour cette intervention, elle a accepté de diorer les bonnes pompes elle-aussi.
Vous avez deviné qui c’est ?
Sinon, dans un autre genre, il y a la prof super sympa que tout le monde kiffe. En fin de carrière, elle a déjà tellement tout prouvé qu’elle n’a peur ni du jugement des élèves, ni de celui des parents, encore moins du proviseur. Elle se pointe tranquillou-bilou en vieux jean, Tod’s râpées et vieux sac Vuitton d’il y a 15 ans (a-t-elle même changé de culotte ce matin?!).
Il s’agit de Carlyne Cerf de Dudzeele, styliste ayant travaillée avec tous les plus grands photographes que le late XXème siècle et early XXI ème aient fait.
Il y a la fille trop cool qui a toujours pleins de copains mecs (alors que vous, dès qu’un s’approche de trop près, vous rougissez et votre appareil dentaire se décroche).
Sarah Andelman, co-propriétaire avec sa mère Colette Rousseaux du magasin Colette, qui n’en finit pas d’explorer les arcanes du streetwear (vous ne la verrez jamais autrement que chaussée de sneakers).
La plus énervante: la nouvelle qui arrive pleine de fraîcheur. Elle n’a pas complètement les codes (elle ne diore même pas de la tatane), mais cette ingénue rafle déjà tous les mecs. Et même le peu qui pouvait rester disponible (l’année sera encore disette pour vous).
C’est la it-girl parisienne Jeanne Damas en mules Amélie Pichard (que j’adore).
Sans oublier les gothiques qui crachent sur les Dior de tout le monde et viennent au bahut carrément en pompes Saint Laurent.
Je ne sais pas qui c’est, je n’ai pas regardé leur visage. (bah je ne peux pas me concentrer sur tout hein)
Et puis la meuf qui est dix fois plus mature que vous (genre elle a déjà son propre appart) et semble avoir un super super feeling avec le prof de français (coeff 8 au bac quand même).
Arizona Muse, mannequin, porte des santiags Dior.
Sans oublier les copines fusionnelles (le premier qui crie Catherine et Liliane, je le prive de Nutella) qui ne voient pas du tout de quoi on parle. Quoi ? Le manteau ? Quel manteau ? ah oui ! Nan mais c’est pas le même du tout, le sien est beige !
(Allez j’y retourne!)