Fashion Week : quoi de neuf en 2014 ?

Alors que Paris n’a pas encore dévoilé son jeu, faisons le point. Qu’est-ce qu’on n’a jamais vu en matière de shoes, qu’on va trouver archi bizarre et que l’on ne sera prête à porter que dans… 2 ans pour les plus audacieuses et 5 ans pour les filles normales ?

Mesdames et Mesdames, faites place à la sandale de sport couture.

Après les runnings en ville, les jupes en néoprène et les bijoux en silicone, le mélange des influences est plus que jamais le fondement et le moteur de la mode. Tout l’art des gens du milieu repose sur leur capacité à créer de nouvelles recettes, à mélanger les messages, à bousculer les à-priori.En surfant avec habilité sur nos habitudes. Et certains repoussent les limites jusqu’à nous faire, un peu, violence.

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Fashion Week : le Street Style pour les nuls.

photo : Tommy Ton.

Comment en vient-on à s’habiller comme ça ?

Dans la mode, tout est affaire de codes (un lundi vous vous réveillez, vos vieilles Doc sont devenues tendance par on ne sait quelle magie). L’idée moteur du milieu est que les gens se parlent par l’intermédiaire de leurs vêtements et de leurs accessoires. Vous le saviez sans doute déjà.

Du coup, pendant les Fashion Week, autour des défilés, tous ces gens ultra-sapés-chelou, c’est comme quand deux jumeaux se parlent un langage imaginaire qu’ils se sont construit : vous pigez que dalle. Qu’ils murmurent ou crient leur look…

Et si on essayait de savoir ce qu’ils disent ? Ouvrez les guillemets :

Photo : all the pretty birds.

« Je les AI. » Voici ce que murmure Caroline Issa. Elle a les Prada. L’aura de leur puissante créatrice Miuccia offrant un peu sa superbe au look sage de la belle. Et ça change tout.

 

Photo : All the pretty birds.

« Je suis quelqu’un de bien. Je porte des chaussures conçues par Phoebe Philo. J’ai compris toute l’intensité de l’essence Célinienne. De la vie, donc. Vous pensiez que je portais des baskets sans faire d’efforts ? Non, je porte LES baskets et je dois être confortable parce que je bosse, MOI. Je n’ai pas de temps pour les fioritures. »

 

« Non, je ne fais pas de déni. J’ai juste le sens de l’humour, la notion de l’innovation et des temps qui changent. Et c’est tellement confortable. Phoebe SAIT ce dont les femmes ont besoin. »

 

Photo : The Sartorialist.

« Bah c’est Phoebe qu’a dit hein ». S’acheter les vraies Birkenstock, les porter avec une jolie robe,  c’est, en moins cher, affirmer qu’on en est.

 

« On a dit il y a 6 mois que cet hiver il faudrait porter des chaussures blanches, bah je le fais. » Et cette madame (avec un pull rose ultra tendance puisque « couleur de la saison ») ajoute une couche de légitimité « mode » à ses pompes en choisissant des Nicholas Kirkwood. Good Girl. Perso., je recommande les bottines blanches. C’est tip top télecom pour le look.

 

photo : Tommy Ton.

« J’ai vu le défilé d’Alexander Wang à New York. J’ai vu comment sa nièce de 3 ans portait des claquettes Puma avec des chaussettes de sport, une robe en cuir et un sac Chanel. C’est hype. Je fonce ». L’esprit sport s’acoquine de plus en plus avec la couture. C’est le décalage absolu en 2013. C’est pas une raison. J’ai envie de dire, pensez à Aimé Jacquet en 1998 qui disait : « Dès que j’ai un doute, j’ouvre mon cahier noir où toutes les règles de base du foot sont écrites. C’est un carnet de bon-sens d’où découle toute ma stratégie ». L’important est de ne pas perdre la tête. C’est comme ça qu’on gagne. Point.

 

« Mon Look, ma bataille. S’il fallait enfiler des colliers de coeurs de chats vivants, je le ferais. Alors, pourquoi pas des crinières de chevaux sur mes Loewe ? ». Honnêtement, c’est tellement génial de voir ces chaussures extraordinaires fouler le pavé parisien pour de vrai que : Merci Anna.

PS : Pour le premier look, en voici l’explication. Les runnings sont devenues d’indispensables chaussures de ville pour twister une silhouette. Mais comme cette adage de style date de la saison dernière et qu’il faut aller un cran au dessus, madame a ajouté des bas en dentelle. Voyez ?



Qu’est-ce qu’une chaussure bonne pour soi ?

Le concept de la chaussure bonne pour soi, ça calme hein ? (cette chaussure ci-dessus est porteuse du concept « bonne pour soi »).

Mais d’abord, c’est quoi ? Je passe un temps fou à chercher ce qui est bon pour moi dans la vie. Je perds un temps fou à cotoyer des gens qui ne le sont pas et à faire des choses qui… ne le sont pas non plus (et je ne parle pas que d’alcool, malheureusement).

Alors, une chaussure bonne pour soi, c’est quoi ? Une chaussure confortable ? Non, pas vraiment, on l’a vu dernièrement avec la vague vogue des Birkenstock. Ces schnouks pour pieds ne sont pas bonnes pour notre physique (donc pour notre moral) (« shoes sans conscience n’est que ruine de l’âme », rappelez-vous les mots de Rabelais).

Est-ce qu’une chaussure trèèès à la mode serait bonne pour nous ? Si l’on considère les compensées semelle « peneu »  que les designers nous servent cet hiver, la réponse est non. Si l’on considère les stilettos vertigineusement fin que les designers nous servent cet hiver, la réponse est « au prix d’une souffrance que rien ne justifie » (même la guerre du style).

Certes, avoir une chaussure dans le vent aide à se sentir mieux dans la vie. Intégrer les tendances dans sa garde-robe étant une position plus simple que de s’en affranchir. Cette dernière attitude demande une force d’âme qu’il vaut mieux rediriger vers d’autres sommets.

Non. Une chaussure bonne pour soi j’ai trouvé Maîtresse. c’est la chaussure-avec-le-compensé-caché-qu’-on-voit-pas-qu’on-croit-que-vous-êtes-plus-grande-mais-qu’-en-fait-c’-est-pas-vrai. (C’est triste de constater qu’une chose bonne pour soi repose sur le mensonge, hein ?) Une chaussure bonne pour soi défie les autres pour vous mettre en valeur.

Ces bottines Zara sont mes gogos du moment. Le premier jour que je les ai mise, je disais à qui voulait l’entendre « hèèè hèèè tu remarques rien ? » et personne ne remarquait rien (je n’ai demandé à aucune pro de la mode, hein, suis pas folle). Après je me délectais à expliquer les secrets de ma pompe, qu’elles ont un talon caché, qu’en fait je suis sur 5 cm et pas sur 2, que du coup, ça leur donne une largeur inhabituelle, j’en passe et des meilleurs. Evidemment, je vous le donne en mille, c’est Isabel Marant qui a popularisé cette construction qui lui vaut le titre de « Fashion Geotrouvetou » de la décennie. D’abord, il y a eu les baskets fameuses, les Beckett. Puis des bottines Caleen cet été. Maintenant c’est arrivé chez Zara, donc partout. Même chez moi. Et pour une fois, je trouve que cela flatte la jambe sans faire le pied trop bot.

Et puis, surtout, ce qui me charme le plus, ce sont leur couleur ciment. Quelle bonne idée de mettre des bottines blanches en hiver, pourquoi ne l’ai-je pas fait plus tôt ? (parce que c’est salissant ma fille! ouiiii maman!). Tout le monde me dit « c’est rock ». ça illumine mes looks, c’est deux nuages de douceur qui emboîtent mon pas toute la sainte journée. Et puis, comme pour mon chéri, je me régale à l’avance de les voir vieillir à mes côtés. Les marques du temps ne me font pas peur, bien au contraire.



Cap de porter les chaussures de tonton Bernard?

Le pantalon en velours milleraies et la veste assortie avec des empiècements aux coudes. La chemise couleur pipi, le baise-en-ville de cuir marron et aux pieds… Les inusables Michael de Paraboot (les Michel, quoi). C’était l’uniforme des hommes du milieu du XXème. Du prof d’histoire-géo à tonton truc.

Je pense que j’aurais considérée les Paraboot dans mes jeunes années de retraitée (tu rêves ma pauvre!) (la retraite!) (ahahah!), pour mes après-midi en groupe au musée Jacquemart-André.

C’était sans compter un sursaut de vie, un je-ne-sais-quoi de rebelle attitude de la part des croquenots Paraboot. Un matin, elles ont appelé un petit jeune avec le vent dans les cheveux et lui ont demandé s’il ne lui restait pas un peu de Diacolor pour finir l’année. Eugène Riconneaus, le roi de la pompe de skate de luxe (je vais revenir la-dessus oui oui), a découpé des rondelles de cuir léopard orange et les a collé dessus. Pi, il a mis du tipex sur les coutures.

C’est pas désagréable.

Est-ce envisageable ?

Ce n’est vendu QUE chez Colette, ça va peut-être nous donner un indice.



Que faire pour être vendu chez Colette ?

Pas facile de se lancer dans la chaussure.

Des années 90 au premier quart du XXIème siècle, le marché de la chaussure (et de l’accessoire en général) sera passé de l’état de « gentil fourmillement» à celui de « saturation totale ». Et la création de « débridée » à « extrémiste ».

Ces cuissardes Sophia Webster en sont un magnifique exemple.

Je ne suis pas une vieille schnock de la mode et pourtant, j’ai assisté à ces changements.

En 2003, je travaillais à l’Officiel de la Mode en tant que responsable des accessoires depuis environ deux ans. J’étais la petite minotte qui faisait entrer les nouveaux créateurs dans les pages du journal. Pierre Hardy était notre coqueluche.

C’était le bazar dans les bureaux mais c’est comme ça que l’air du temps affleurait jusqu’à nos lèvres. Et un jour, on a dit qu’il y avait de plus en plus d’accessoires, qu’on assistait à un vrai changement et Marie José Jalou (la chef) a lancé « on devrait faire un hors-série de l’Officiel 1000 modèles sur les accessoires, avec tous les sacs et les chaussures de la saison. Mathilde, vous partez à Milan ». C’était une semaine avant la Fashion Week. Nous sommes allés dans les show rooms des grandes maisons italiennes photographier leur collection. Ils avaient déjà tous une bonne centaine de prototypes à montrer. Au moins une pièce entière consacrée à ce sujet. L’année d’après, c’était un étage entier, où des show rooms de 400 m2 proposaient plus de 500 prototypes.

Aujourd’hui, quand on est un petit, rivaliser avec la force de frappe des grandes maisons telles que Prada ou Louis Vuitton est quasi impossible.

Pour vivre aux côté de ces géants, deux possibilités. Ne pas jouer sur leur terrain, en proposant des solutions de vente plus personnalisées ou… Envoyer du pâté niveau créa., et réseau.

Après l’ascension rapide de Charlotte Olympia et Tabitha Simmons (toutes deux aidées par leurs puissantes connections), la nouvelle recrue est Sophia Webster (vendue chez Colette donc). Niveau réseau, elle est l’assistante de Nicholas Kirkwood, l’un des chausseurs avec la cote la plus élevée actuellement. Lors du show room de Nicholas pendant la FW de Paris en mars dernier, il avait filé  le premier étage à Sophia pour qu’elle expose ses collections. Sympa.

Niveau créa., on hume la patte de Nicholas Kirkwood (ou est-ce sa patte à elle chez Nicholas ?). Moins constructiviste, plus girly que Nicholas, on sent très fort chez Sophia la folie anglaise, l’exubérance, le cheesy, les trucs qui brillent, les meufs à poils en plein hiver. C’est fun et délurée. Ses pompes, c’est comme le mec de la pub Coca Cola Light, on les veut. Pour longtemps ? Pas vraiment.

Voilà comment on lutte face à Miuccia Goliath, on se transforme en gros gâteau à la crème très désirable. On surenchérit. On fait confiance à la rage des clientes pour se procurer de la shoes fraîche. Le plus dur sera de rester.

Je ne cache pas que lorsque j’ai découvert la collection, j’étais en ébullition :

Découpes, plexi hologramme, noeuds avec des boules aux bouts.

Léopard bico, résille, volants.

Plexi, pois, couleurs métal.

Ces chaussures : c’est pas mon style, ma raison dit non… Bah j’ai quand même mon coeur qui palpite quand je les vois (et je vais me précipiter à la fin du mois pour voir sa collection de l’été 2014).

Les créateurs ont de beaux jours devant eux. Colette aussi.



Pourquoi les jolies filles portent-elles d’affreuses Birkenstock ?

birk

C’est sans doute LA vraie polémique de la rentrée : l’intrusion de la chaussure moche dans le placard des filles.

La Birkenstock, habituellement rejetée au fond de la classe du chic, est devenue l’icône de toute une génération de folles de mode de l’été 2013.

D’ailleurs, vous avez peut-être noté du fin fond de vos vacances qu’on vous bassinait sérieusement le maillot de bain avec les Birk’.

Au départ, j’avais décidé que rien ne m’obligeait à en parler. Que cette tendance n’était qu’un supercherie de plus pour nourrir les filles en mal de mode.

Même, au départ, j’avais haussé les épaules lors du défilé Céline de septembre 2012. Phoebe Philo, gouroutesse de la mode à la tête de la maison, avait fait défiler ses modèles chaussées de birk’ en fourrure très chère. Les Furkenstock, comme dit Coco.

Pour moi, les Birkenstock, c’est la colo en Allemagne en 1993. Les filles avaient toutes aux pieds ces étranges chaussures. Avec des chaussettes dedans. Et des poils autour.

Glamour : bye bye forever.

Mais, on a commencé à voir des filles normalement bien habillées (et qui font référence) porter des Birkenstock ou autres versions à strass à mesure que la belle saison s’installait (d’ailleurs, on aurait eu un printemps cette année, les rues seraient jonchées de Birk’ en mode « je suis fashion, je porte des Birk’). Mathilde est sans doute la plus exhaustive à ce sujet.

Après, mes copines super-pointues-super-sapées ont commencé à m’envoyer des textos me disant qu’elles en avaient déjà deux paires, qu’elles voulaient savoir où acheter les Arizona, au plus vite. Car oui, important : la cristallisation shoesesque s’est fixé sur les Arizona, le modèle original dont  Phoebe Philo s’est inspiré pour sa collection printemps-été 2013 (fourré de fourrure très chère, donc). Me demandez pas pourquoi. Sans doute parce que c’est le modèle le moins féminin et le plus grossier. Sûrement que Phoebe prend les paris avec ses copains : « Eh les gars, est-ce que les filles du monde entier vont être capable de s’abaisser à porter des Birk’ l’été prochain parce que j’ai dit qu’il fallait le faire ? Hin hin hin, allez je parie un billet de 10 000 livres ! ».

Après, Maud du Grazia m’appelle et me dit qu’elle va faire un sujet sur la Birk, qu’elle voudrait mon avis.

Après, je vois à l’aéroport de Figari Gaïa Repossi, l’une des « filles de » les plus brillantes et les plus chics que la Capitale connaisse, avec des Arizona aux pieds. Tout le reste de la silhouette est signé Céline.

Après, sur ma page personnelle, Facebook me suggère d’acheter des Birkenstock, les Arizona. (sont forts)

Pourquoi me matraque-t-on le cerveau afin que je porte des chaussures moches ? (je ne crois pas à la théorie du complot capitaliste sur ce coup-là) (je ne crois pas non plus à une percée des féministes pour le confort des femmes au quotidien).

D’ailleurs, je ne fais pas de procès à la Birk’. J’en mets depuis longtemps  (mais chut) (c’est très mal-mode de dire que vous portiez depuis longtemps un objet devenu tendance, cela fait de vous un plouc incapable de flairer l’air du temps).

Par contre, je crois qu’une Birkenstock dans un contexte mode (c’est à dire avec une jolie robe ou un costume) (et pendant la Fashion Week par exemple) n’est qu’un simple effet. C’est hurler « regardez comme je suis provocatrice et dans le coup » aux louves d’en face. Porter des Birkenstock serait-il un aveu de faiblesse ?

Sans compter que cela ne va à personne (99,95% de gens à qui cela ne va pas, j’en conclus que c’est personne), cela ne met pas en valeur, fait la jambe lourde, des gros pieds. Je crois à la ligne qui nous rend jolie, sans pour autant rentrer absolument dans le jeu du désir masculin.

C’est l’exemple idéal de l’influence d’une créatrice sur-puissante et étiquetée comme telle sur nous, pauvres brebis égarées dans le monde du paraître. Nous sommes tellement soumises à cette exigence qu’elle nous en fait perdre la raison. Mais doit-on vraiment associer mode et raison ?


 
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