La copie de la copie est-elle une copie, mais de quoi ?

zarass14Vous aimez regardez les plantes pousser ? Voir la course de la lune évoluer ? Constater les progrès de votre progéniture chérie ?

Moi, j’aime voir la copie tracer sa courbe sinueuse dans les replis de notre pouvoir d’achat.

Vous voyez cette bottine Zara ci-dessus de la collection printemps-été 2014 ? Alors souvenez-vous de ceci, ici-même sur le blog en octobre 2013 :

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Semelle épaisse, chaîne sur le dessus du pied, boucles diverses et ouverture sur la malléole sont là, redistribuées avec harmonie. Le phénomène de la digestion est en cours.

J’aime observer comment un objet étrange et pénétrant va devenir en quelques années commun et sans saveur. De ma part aucun snobisme, ni désir de domination sur une prétendue masse ignorante (à contrario de la fausse Anna Wintour du Diable s’habille en Prada et de sa fameuse tirade sur le pull bleu Céruléen que la pauvre héroïne aurait acheté dans un bac en promo dans un supermarché, ignorant alors qu’elle était sous l’emprise de décisions prises pour elle par de puissantes éminences grises).

Mais plutôt, fascination devant la grande bouche goulue qui absorbe et digère tout ce qui passe.

Et comment, celui qui veut se glisser incognito dans la foule enfile des chaussures qui 10 ans, 50 ans, un siècle avant était une avant-garde provocatrice.

Tout passe, certes, mais tout a un sens.

Comme le dirait notre bonne vieille docteur Shoooooes : « dis-moi quoi tu shoes, et je te dirai qui tu es ».



Julien Granero, « Je regarde plus les chaussures que les yeux des gens. »

Je me demandais sérieusement depuis quelques saisons qui se cachait derrière les collections Mellow Yellow. Ultra créatives, surprenantes tout en reprenant les éléments essentiels de l’air du temps, le tout à des prix terriens, qui osait se démarquer ainsi ? Un jour, j’ai dit, qu’à cela ne tienne, j’irai débusquer ce flibustier de la shoes pour l’obliger à tout me raconter.

Je l’ai eu pendant 2 h. Je lui ai tout demandé et, après, en descendant les marches du métro, je me suis dit : ce garçon a su trouver sa place dans ce monde. Entre Mellow Yellow et lui, il ya une alchimie. Et je ne dis pas ça pour faire de la poésie.

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Julien Granero est chausseur-photographe, et inversement (« les deux sont indissociables dans mon travail). Il « aborde la mode de façon légère », invente un style « hyper féminin, mêlant le sport et l’humour » et ne cache pas s’amuser « à déranger un peu ». Julien n’aime pas ce qui est « sérieux et prout-prout » et préfère aller courir dans les parcs plutôt qu’aux cocktails mondains, fait les expos quand elles sont presque finies et pourrait se passer de Paris.

Raconte, Julien.

« Je suis originaire de Romans (l’un des berceaux de la chaussure française). Le fait de côtoyer tout l’univers Charles Jourdan, ce n’est pas anodin, cela m’a marqué. Il y a une culture de la chaussure à Romans. D’ailleurs ma mère a tendance à tout mettre dans les souliers ! »

« J’ai dessiné ma première paire à 4 ans. Ma mère s’était achetée des chaussures chez Jourdan justement, violettes avec une grosse fleur en satin. Je les avais re-dessinées de devant, de derrière et de profil. Ma mère était sidérée ! Je dessinais des chaussures tout le temps, par contre, les vêtements ne m’intéressaient pas du tout. Dessiner une robe, j’en suis incapable ! »

mellowyellow5« Pour la collection printemps-été 2014, j’ai aussi la satisfaction d’avoir réussi à mettre au point des choses très difficile, comme ce jeu de rubans et résille. »

« Je n’ai pas un parcours traditionnel puisque j’ai fait l’école d’art et de design de Grenoble. Je me destinais à la photo. Je suis même parti à Nottingham et ai reçu des cours de Mario Testino. Je faisais surtout de la « nature morte » en utilisant l’objet chaussure. À la fin de mon école,  la marque One Step  m’a appelé pour que je dessine leurs collections de chaussures ! J’ai alors appris à faire fabriquer des chaussures. Que ce soit dans les usines en France, à Cholet, comme en Chine où j’ai fait mes premiers voyages.

Puis, j’ai gagné le concours Bata des jeunes créateurs en 2008 (comme Amélie Pichard) (un vivier à futurs talents, ce concours !). Ma collection est sortie au Printemps 2009.

Puis, j’ai voulu me perfectionner.

Et j’ai tenté le concours de l’IFM (institut français de la mode) et j’ai été admis. J’ai fait ma rentrée. On était trié sur le volet (c’était la section internationale chaussures et maroquinerie), et je me suis rendu compte que… je n’avais rien à faire là. Ce n’était pas mon chemin, je me sentais engoncé. C’était théorique, très fliqué, normalisé. J’ai tenu deux mois (une éternité !), puis un soir j’ai dit aux profs : « demain, je ne reviendrai pas ». Cela a été une décision très dure à prendre. Rentrer à l’IFM avait été un vrai investissement, avec dossiers sur dossiers… Ils ont essayé de me persuader de rester mais j’ai tenu bon. J’ai pris mes affaires et je ne suis jamais revenu.

Il faut prendre des résolutions dans la vie !

Du coup (on était en 2010),  j’ai contacté Mellow Yellow et je leur ai dit « je suis frais et dispo. »

Mellow Yellow ?

C’était la marque créative avec des prix accessibles, une notion importante pour moi. D’ailleurs, c’est exactement pour cela que le cursus IFM ne m’intéressait pas : c’était trop élitiste, créateur, grande maison, hermétique… Pour moi, « créateur » ne veut pas forcément dire « inaccessible ». Il faut être en adéquation avec la rue. Ma satisfaction, c’est de constater que les nanas portent mes chaussures. Chez Mellow Yellow, je m’exprime comme je le ferais si c’était ma marque. Je n’ai pas de contraintes en terme de style.

mellowyellow3Collection printemps-été 2014. « Ces mocassins, qui sont l’un de mes modèles préférés, sont le fruit d’une véritable bataille avec l’usine. On a cherché le moindre strass, fait fabriquer le bijou par un fabricant spécialisé… »

Et une ligne Homme chez Mellow Yellow ?

C’est un peu dans les tuyaux mais je ne suis pas très sensible à l’univers masculin… Je m’inspire souvent des détails de l’homme pour travailler sur la femme, c’est plutôt dans ce sens-là que ça marche. Et puis il y a du boulot sur la femme ! Les collections sont très larges avec environ 160 modèles (sachant qu’on en sort 400 au départ !).

Comment tu travailles ?

Je me sens privilégié, je n’ai pas l’impression de travailler dans la mode. La force des chausseurs, c’est de réussir à prendre du recul par rapport aux courants mode du prêt-à-porter. Et le fait d’être passé par un cursus artistique m’offre ce côté ludique et moins « mode ». Je regarde très peu les tendances, je marche au feeling. Pour créer une collection, j’emmagasine des images, puis à un moment, tout déborde. Je ne vais pas bosser au bureau, je rentre chez moi, je m’enferme pendant 4 jours et là tout sort en jet. Ca peut faire flipper car on ne voit rien pendant des semaines… Mais Mellow Yellow me laisse une grande liberté.

mellowyellow2Collection printemps-été 2014. « La chaussure de Marilyn Monroe quand elle va voir les GI… »

Tes inspirations ?

J’aime prendre des icônes et les twister. Comme Twiggy, Marilyn, ou Audrey Hepburn, je les imagine au ski, sur une Harley… Je m’inspire aussi beaucoup des vieilles dames très chics, avec leurs accessoires exubérants ! Cela fait rire pas mal de gens de mon entourage (surtout ceux qui ne travaillent pas dans la mode), ils me disent « arrête avec tes vieilles ! », moi elles me font  rire et elles me fascinent !

Tes chausseurs favoris ?

J’aime André Perrugia, Charles Jourdan et Roger Vivier, c’est la source. J’aime aussi Bruno Frisoni (actuel créateur de Roger Vivier) et le style intemporel de Michel Vivien.

jourdan-julienPhoto par Julien himself.

Ta paire de chaussures mythique ?

Une paire de Jourdan (ci-dessus), que j’ai trouvé aux puces et que je connais de livres ou de magazines. Le décolleté est hallucinant. J’aurais adoré l’inventer ! Aujourd’hui, on fait des décolletés en vague. Sur ce modèle, il est à l’envers, très ajouré sous la malléole et finit en pointe à l’arrière. Et ce talon en métal avec une boule coupée en deux… trop beau !

ET TOI ?!

Que portes-tu comme chaussures ?

Je suis un caméléon (ce jour-là,  il porte des derbys vernis  noirs Christian Louboutin), mais souvent, je suis en Basket

Comment ranges-tu tes chaussures ?

Je garde tout, (quand je serai vieux, ce sera une catastrophe) et je suis hyper soigneux. Dans la boîte d’origine, dans le pochon, avec un polaroid dessus et après je les empile. Il y a un placard réservé aux chaussures chez moi.

Tu as combien de paires ?

200… Dont une centaine de paires de baskets. Je suis prêt à mettre les mêmes fringues pendant 10 ans mais les pompes… Faut que j’arrête !



La running est-elle un escarpin comme les autres ?

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Ces running-chaussons-de-planche-à-voile-brodés-de-paillettes vus hier au défilé Dior Haute Couture ne manqueront pas de faire parler d’eux/d’elles. (impossible de leur trouver une dénomination qui ne soit pas à coucher dehors…)

C’est un parti pris. Même si la rencontre des matières précieuses et de celles plus techniques issues du vestiaire sportif n’est pas nouvelle. Déjà Nicolas Ghesquière chez Balenciaga nous présentait des robes en néoprène au milieu des années 2000. Raf Simons est un adepte de la pratique. Pas étonnant de rencontrer cela dans son travail.

Et puis, les runnings tiennent le haut du pavé depuis plusieurs saisons maintenant.

Mais, conclure une silhouette Haute Couture par une paire de chausson-running quand on est chez Dior, (je viens de voir que toutes les mannequins du défilé Chanel Haute Couture portaient, quand à elles, des runnings !)* (c’est un tsunami du confort ?) ne peut être que la confirmation de l’existence d’une nouvelle norme stylistique.

La chaussure technique de sport n’est plus décalée, encore moins un signe de provocation, elle est une chaussure du soir comme les autres.

P.S. : Du coup, si j’achète ça ci-dessous sur lacordee.com + que j’envoie un petit mail afin d’obtenir des conseils à Lisa pour customiser mes bottillons en néoprène, c’est banco-bueno pour être au top de mon look pour les prochaines fashion weeks, non ? (ou pas?) (vous pensez que ça ne flatte pas la jambe hein ?)lacordee

*chanelVisuel Chanel Haute Couture printemps-été 2014 issu du compte Twitter de @valerietoranian.



In Her Shoes : Virginie Benarroch.

virginiebenarroch

Parce qu’on louche toujours sur le placard des autres en rêvant de savoir ce qu’il contient, parce que je vis entourée de femmes au CV shoesistique méga blindé, parce qu’il n’y a rien de plus jouissif que de parler de nos bébés chéris (nos shoes quoi) j’ai décidé de créer une nouvelle rubrique : « In Her Shoes ».

Trois questions toujours identiques pour devenir la petite souris des pieds des femmes. Agathe a ouvert le bal il y a un mois, en deuz, c’est Virginie Benarroch.

Vir’ (c’est son pti nom) est rédactrice de mode au magazine Glamour. Je l’ai rencontrée il y a 5 ans, lorsqu’on travaillait pour Femmes, un titre qui n’existe plus aujourd’hui. Au début, j’étais intriguée par ses yeux noirs cachés derrière une frange trop longue et par ce que je décelais de frais et de sautillant dans sa personnalité. Puis j’ai été fascinée par sa méthode de travail.

Bien au contraire de moi qui pense une série photo en commençant par le produit (telle chaussure fait le buzz, telle autre est LA bottine chic et confort, tel sac possède LA couleur de la saison etc…), Virginie entrait dans son sujet en le considérant avant tout du point de vue esthétique. Les accessoires servant la photo alors que chez moi, la photo sert l’accessoire. Elle réunissait ses objets comme un peintre compose sa palette. Puis elle posait tout par terre et, pouf,  leur cohérence de couleurs, de matières, de textures, de quelque chose d’indicible parfois, formulait un univers. (Regardez sur son site)

Aujourd’hui, je ne la côtoie plus dans les couloirs d’une rédaction (nous ne travaillons plus pour la même!) mais plutôt dans les allées des show rooms et des défilés, et je trouve qu’elle est l’une des stylistes les plus douées de notre génération.

Et que porte-elle dans la vraie réalité de la vie réelle ?

sartore

À la question « quelle est ta paire préférée en ce moment », elle me répond :

« Mes boots Sartore en cuir noir avec une plaque dorée sur le talon. Elles ont une ligne parfaite, le talon est à la bonne hauteur pour courir tous les jours et l’élastique leur donne un côté 90’s (Pourquoi Nineties ? rappelez-vous les boots à élastique Free Lance) que j’adore. Elles sont féminines et boyish en même temps. Et puis, une chose très importante, elle font un bruit très sexy sur le bitume. J’adore! »

L’avis du Dr Shooooes ? Ouais. Je pense pareil que vous. C’est un choix parfait. MÊME si ça fait béniouioui de le dire. De toutes façons, Vir’, c’est la fille qui descend de son scooter avec des boots noires Chloé aux pieds (celles d’il y a deux ans Virginie, tu te rappelles, nan ?)(Virginie a sans doute une collection de bottines noires démentes) et que vous vous dites dans votre tête des tonnes de trucs que ce serait pas bien de répéter ici.

jimmychoo

À la question « quelle est ta paire mythique? », Virginie n’a pas pu trancher et moi non plus. D’ailleurs, sa relation aux chaussures est très saine puisqu’elle est pleinement consciente de son addiction : « Je viens de me rendre compte que les 3 sont gold. C est grave? Les shoes c’est ma seule folie, sinon je suis toujours en jean noir et sweater. »

« C’est trop difficile d’en choisir une. La première, c’est ma paire de Jimmy Choo offerte par une amie pour mon mariage. Ce sont les chaussures les plus hautes que j’ai jamais portées : 12cm + plateau ! J’ai eu l’impression d’avoir dix mètres de jambes pendant 2h ! Aujourd’hui, elles sont dans ma chambre en guise de trophée. »

L’avis du Dr Shooooes ? Je n’ai rien d’autres à ajouter quand l’amour s’en mêêêêle… Et cela reste un très bon conseil pour toutes les futures mariées qui liront ces lignes.

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« La deuxième, c’est une paire de basket Miu Miu avec paillettes dorées et gros cabochons. Ce sont les chaussures que je portais lorsque j’étais enceinte. Je suis fan du côté Cendrillon version Rihanna. »

L’avis du Dr Shooooes ? Ces chaussures ont fait un buzz à leur sortie. Les plus malignes ont été les premières à se ruer en boutique avant le Sold Out (la rupture de stock) (oui crotte franglais) fatal. Aujourd’hui, on les a beaucoup vues. Mais j’ai découvert récemment (après avoir crié sur les toits de qui voulait l’entendre qu’une chaussure Miu Miu se démodait beaucoup trop vite par rapport à l’investissement initial), donc j’ai découvert récemment qu’une chaussure Miu Miu possédait le don rare du double effet Shoescool. Vous la portez la première année, c’est bon et sucré, elle a un fort goût de friandise tendance. Puis vient le deuxième effet, plus fort, quand quelques saisons plus tard, elle  est toujours aussi belle mais contient le goût du must have introuvable.

michelvivien

« Et la troisième, c’est la sandale tressée Michel Vivien, gold aussi. Elle te sauve un été, elle va avec tous les styles et toutes les robes. C’est d’ailleurs la seule que j’embarque dans ma valise l’été!

L’avis du Dr Shooooes ? Michel Vivien, c’est le chausseur français qui colle le mieux au désir des parisiennes (de coeur comme de géographie). Ce style discrètement sophistiqué qui n’en fait jamais trop. Si vous n’avez pas les moyens de vous payer du Vivien (c’est très cher), imbibez votre prunelle du délicieux jus doré de ces sandales tressées et trouvez -leur des petites soeurs dans le même esprit. C’est mon conseil pour choisir vos sandales d’été (ça marche pour les mariages aussi) et il est valable pour au moins les 25 ans à venir. Pratique.

celine

À la question « quel est ton achat programmé de la saison prochaine ? », Virginie est sans hésitation :

« Les skate shoes Céline! Celles avec marqué Love sur un pied et Life sur l’autre.
Elles me rendent nostalgique des années skate de mes 15 ans. »

L’avis du Dr Shooooes ? En deux questionnaires « In Her Shoes », les créations de Phoebe Philo pour Céline remportent la note maximale de 100% de plébiscite concernant la rubrique Achat Programmé. Forcément, ma raison valide et puis mon coeur se rebiffe, ou peut être l’inverse. C’est agaçant tant de « oui, je te veux » mais faut bien reconnaître…

Photos par Virginie herself.



La revanche de Tati !

Et voilà, quelqu’un a eu l’idée toute bête chez Tati de rendre à Tati ce qui appartenait à Tati.

Après les slippers à environ 600 euros de Céline, conçus dans un tressage de cuir inspiré des fameux sacs de l’enseigne, et que toutes les folles de mode se sont arrachées en 2013, Tati propose son propre modèle à 17,99 euros (en tissu imprimé, celui-là).

Ça me réjouit et me bidonne à la fois, sans doute parce que cette mini collection (il y aussi des vêtements) (mais je ne parie pas sur eux) contient comme un pied-de-nez aux grands du luxe. Et ce n’est jamais désagréable de voir Goliath se prendre une goutte dans l’oeil.

Je ne suis pas du tout professionnelle  puisque je vous montre ces petites choses alors qu’elles ne seront en boutique que du 10 au 22 mars (mais être déraisonnable est l’une des plus grandes libertés que l’on puisse s’offrir).

Et si on faisait ouvrir des listes d’attente chez Tati ?

* souvenez-vous :

celine-tati



Pourquoi est-ce qu’on ne trouve pas en boutique les chaussures des magazines ?

pressemagazine

Les échantillons presse qu’on me prête pour réaliser mes pages de mode dans les magazines seront-ils vendus en boutique ?

Attention, aujourd’hui, on arrête de rigoler. On touche au cœur de notre désir, alors c’est du sérieux.

J’ai reçu cette question ce matin par mail. J’ai répondu à Françoise, puis je me suis dit que cela pouvait intéresser d’autres têtes chercheuses trop souvent déçues.

Après avoir vue une paire de bottes Lacoste dans le Biba de décembre, Françoise ne s’est rendue en boutique que pour s’entendre dire la chose suivante « cette paire est un proto ! ». Bref, elle n’existe pas.

Françoise m’a aussi gentiment demandée si c’était, nous, les journalistes et stylistes, qui recevions en cadeau ces paires venues des podiums de la Fashion Week. Non. Les mannequins parfois, oui. À l’issue du show, certaines grandes maisons aux moyens importants peuvent se permettre de distribuer la cinquantaine de paires aux modèles. La plupart du temps, ces prototypes vont voyager dans le monde entier pendant presque six mois pour les shootings des magazines. Puis ils iront dormir dans les archives des maisons. Au passage, quelques chanceuses auront peut-être une paire… Mais cela n’a pas grand intérêt (déjà, il faut faire du 40 !), les souliers étant très abîmés par les dizaines de prises de vue aux quatre coins de la planète.

Comment est-ce possible de ne pas trouver en boutique les chaussures des magazines ? Une enquête esqueclusive du Dr Shooooes.

En vrai de la vérité, tout est affaire d’image et de communication.

Lors des Fashion Week, les marques défilent et s’installent dans des show-rooms. Elles présentent leur collection (de prototypes) à l’ensemble des journalistes et acheteurs internationaux. Les ventes ont lieu dans la foulée, voire au même moment. Il est ainsi possible qu’une maison propose un modèle qui ne sera acheté par aucun point de vente – surtout dans le cas des franchises, à l’instar de Lacoste, qui veillent avant tout à préserver leur chiffre d’affaire plutôt que l’image de la marque en diffusant des produits « mode » qui se vendront plus difficilement – et qui ne sera donc pas fabriqué et restera, alors, à l’état de proto. Si la maison ne mène pas une politique très très rigide auprès des journalistes, les empêchant de communiquer sur les modèles non produits (mais c’est difficile de contrôler le monde entier), on se retrouve dans les magazines avec des chaussures qui n’existent pas !

Mais que faire ? Montrer ces modèles et diffuser une image forte ? Ou les masquer pour s’assurer qu’il n’y aura pas de déception de la part des clients ?

Et puis, sinon, il y a le cas des marques qui produisent des modèles uniquement pour la presse. Pour booster leur image, pour faire parler d’elles. Généralement, elles fabriquent ces échantillons mais dans des quantités très réduites. Pourquoi ?Parce qu’au final, peu de femmes iront acheter ces sublimes escarpins à talons aiguilles en vernis léopard rose fluo ornés d’une maxi fleurs sur le cou-de-pied.

Pour combler cette frustration, un site américain, présent maintenant en France, propose un service de « pre-order ». Il s’agit de Moda Operandi. Au moment des Fashion Weeks (et toute l’année avec les trunk show, collection croisière, pre-collection…etc), vous allez sur le site et commandez les pièces (vêtements ou accessoires) que vous avez vu défiler. L’intérêt ? Le revendeur Kenzo ou Proenza Schouler à côté de chez vous n’aura peut-être pas commandé pile le manteau ou l’escarpin dont vous aviez envie. Avez Moda Operandi, vous commandez et obtenez réellement ce que vous avez vu défiler. Comment ça fonctionne ? Vous versez un acompte et entre 4 et 6 mois plus tard (le temps de produire), la pièce ou la paire est livrée chez vous. Et vous serez peut-être la seule au monde à la posséder !

En même temps, c’est un gros coup de pouce pour les jeunes créateurs car cela leur procure les fonds pour avancer les sommes auprès des usines. Le concept est bon et cartonne aux USA, mais personnellement je ne l’ai jamais utilisé (il faut avoir les moyens de s’acheter du créateur ou du luxe!).

Alors, en conclusion, vous préférez avoir la possibilité de posséder tout ce que vous voyez ou offrir, parfois, à vos seuls yeux la chance d’apercevoir de belles chaussures ? C’est un peu comme un tableau. Mais la shoes n’est pas de l’art, certes, certes.

Certes ?



Une bonne reshoelution : ranger.

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Souvent, on me demande comment je range mes chaussures. Je peux toujours apercevoir des paillettes dans les yeux de mon interlocutrice et l’espoir ranimer une flamme depuis longtemps perdue. La quête désespérée de voir son shoesing se tenir avec décence, sans même parler d’élégance, est une démarche secrètement partagée par de multiples mères de famille nombreuse. Que faire de tous ces bébés ? Les bottines qu’on met tous les jours, celles qu’on met aussi tous les jours mais qui ne supportent pas la pluie, celles réservées aux rendez-vous importants, les talons super beaux qu’on veut absolument mettre mais qui sont trop hauts pour prendre le métro, les baskets pour le week end, les autres pour twister une robe noire, les trop belles qu’on ne met que… « jamais », celles qu’on a acheté à 20 ans et qui sont trop petites mais dont on ne veut pas se séparer, les bottes presque mortes mais qui pourraient servir lors d’une prochaine débâcle météo, bref, m’avez compris les filles. Comment gérer cette marmaille en terme de place, comment ne pas en oublier la moitié parce qu’elle est rangée 1. en tas, 2. dans des boîtes inaccessibles, 3. à la cave ?

L’époque où Simenon décrivait, dans l’un de ses Maigret, les symptômes de la démence d’une femme par un comportement compulsif l’ayant poussé à accumuler 8 paires de chaussures est, hum, préhistorique. La société de consommation est passée par nos orteils entre-temps.

Allez, je ne vous fais pas languir.

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Comme on me pose la question souvent, je la pose moi-aussi à qui veut bien la recevoir. Avec l’espoir fou de vous combler. De trouver quelqu’un qui saura. Dont je pourrais diffuser la parole divine auprès de mes petites brebis de la pompe.

Je suis restée collée en extase par la solution de M. (qui a voulu garder son identité secrète). Sur un pan de mur inutilisé, une construction savante de boîtes toutes identiques, noires et blanches (des Marc Jacobs) avec les polaroïds des modèles collés dessus et photographiés sous le même angle (pied droit de face, pied gauche de côté). Vous allez me dire « ouais bah c’est pas nouveau-nouveau hein pardon », mais attendez de comprendre l’esprit conceptuel de son rangement. Cette construction est éphémère. M. change sans cesse la place des boîtes afin de faire évoluer l’édifice et d’en transformer l’aspect. C’est un château de boîtes à pompes mouvant. C’est design, pratique et cela offre aux chaussures une visibilité exceptionnelle leur restituant ainsi leur vraie valeur. Celle de PRINCESSES, tout simplement. (oui) (si) (si c’est vrai)

Et vous, comment faites-vous pour gérer votre marmaille ? Allez soyez chic, lancez-vous, et aidez-nous à prendre de bonnes reshoelutions !



2014 !

2014

En une shoes résumée, tout ce que je vous souhaite pour cette nouvelle année !

De l’extraordinaire, parce que c’est le coeur sucré du quotidien. Les gros extraordinaires, comme un succès professionnel ou amoureux, et les petits extraordinaires comme un film qui-met-sa-claque, une coïncidence qui laisse sans voix, un bout de ciel bleu au cours d’un mardi froid, un voyage sur la ligne 13 (heu non) (c’est la liste de NKM ça). Et puis, une nouvelle amitié aussi. La fulgurance de l’instant où l’on comprend que l’on a rencontré une personne.

Du Gold. Evidemment, des sous oui (il en faut pour acheter l’indispensable moelle de la vie : les chaussures). Mais aussi, par extension, de la brillance et de la joie. Avec la petite lumière dorée à l’intérieur, celle qui nous guide et nous aide à tendre vers le meilleur. Et de la fête. Celle où, un peu bourrée, on serre la vie dans ses bras (et on raconte trop de trucs). Même si elle n’est pas toujours en or, la vie, se rendre compte qu’elle est belle et s’offrir parfois le répit de s’en satisfaire.

De la hauteur, pour ne pas se laisser prendre à toutes ces situations qui nous plombent le cerveau et nous brident les pensées (même avec des chaussures plates).

Des tonnes de couleurs, parce que des rengaines comme celles de la maîtresse d’Alphonse « c’est lundi, c’est gris, c’est reparti », c’est pas juste. On se rebelle. J’ai même des chaussures jaunes dans l’objectif de mon portefeuille (je vous en reparle).

Du piquant. De quand on rit comme des folles. De quand on fait des blagues oléolé et que ça fait rire les autres, et qu’on trouve qu’on est coquine et que c’est bon. Mais aussi du pointu, pour être juste dans nos choix, pour continuer à avancer et forger son propre modèle sans se laisser (trop) distraire par celui que les autres édifient.

Voilà, je vous shooooese tendrement le meilleur pour 2014.

Mouak !


 
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