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Derbies Maurice Manufacture sur L’Exception.com, réalisés par Lisa Gachet de Make My Lemonade et Maï Hua de SuperTimaï.
Les professionnels le savent. Aujourd’hui en France, on ne peut quasiment plus fabriquer de chaussures. Même si on en a l’envie : le savoir-faire s’envole. Pas au loin, non, malheureusement. Il disparaît.
Grand un, cela coûte. C’est plus cher de fabriquer une chaussure en plastique en France qu’une en cuir chez nos voisins. Ne parlons même pas des autres continents.
Grand deux, le maillage indispensable des différents corps de métiers a également disparu. Ouvrez une usine d’accord. Mais la matière première ? Les peaussiers sont inexistants, sauf pour le cuir d’agneau qui est une spécialité française. Mais voilà bien un métier où un large choix de matières est indispensable. Et les talonniers ? Idem. Le désert.
Voilà qui rend encore plus remarquable les démarches des justiciers de la pompe tricolores. En France, on ne sait pas concevoir d’escarpins sexy, les italiens sont les rois. (sauf peut-être Delage basé en Île-et-Vilaine). Nous, on est des « bottiers ». On sait faire des bottines, des bottes, des chaussures d’homme comme les derbies et les richelieus. On a la main plus brute, plus artisanale. Comme chez Robert Clergerie – qui fabrique à Romans tout en appartenant maintenant à un groupe chinois -, Free Lance en Vendée et Weston à Limoges. Ces derniers temps, des marques de luxe ont choisi d’installer leur usine vers Cholet, comme Louis Vuitton à Chemillé (en Maine-et-Loire) et Berluti en Vendée.
Ce post pour vous parler surtout de Maurice Manufacture créé en 2012 par Philippe Granger. « Maurice », parce que ça fait français, « Manufacture » parce que cette collection est fabriquée au cœur d’un atelier artisanal fondé en 1949. Racheté par Granger en 1998, l’usine a su se diversifier et fabrique pour de nombreuses marques : des chaussures confortables pour les séniors (marque Kim), des chaussures pour les grandes enseignes commerciales et quali (Axell), des souliers de luxe pour… J’ai promis de ne pas le dire. J’espère qu’un jour, on sera fier de le crier sur les toits. Et enfin, des chaussures pour la police, l’armée et les compagnies aériennes ! De quoi avoir les reins assez solides pour lancer une collection « dans l’air du temps » dont les coûts de fabrication sont plus élevés. Le créateur est son propre fabricant, exit donc la marge de l’usine. Le modèle traditionnel voulant que la marque rachète à des prix d’or les modèles à une usine et ensuite, fasse sa propre marge. Chez Maurice Manufacture, cette étape en moins permet de réduire les prix de vente et de proposer un produit sophistiqué sans assommer le banquier derrière notre carte-bleue.
Et puis chez Maurice Manufacture, on ranime les vieux pépés et les vieilles mamies tapies dans les placard : le mocassin des années 1970 devient faussement tradi. Avec des mélanges inattendus de matières et couleurs. Idem pour les derbies et bottines.
Du coup, pour crâner un peu sur l’étendu de leur savoir-faire, le e-shop L’Exception (dédié aux créateurs français) a proposé à Maurice Manufacture de faire appel aux filles des Internets (les Internets ahah) pour inventer des modèles complètement foufous. Fin octobre, j’ai réussi pour la première fois depuis la naissance de mon deuxième enfant, à larguer mes gosses pour partir quelques jours à l’étranger avec leur père. J’ai donc dû décliner l’offre de L’Exception et de Maurice. Mais deux de mes Particules Complémentaires y étaient, ainsi que des consœurs que j’apprécie beaucoup (comme Isabelle Thomas de Mode personnel(le)).
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Lisa Gachet de Make My Lemonade a mélangé quatre textures-couleurs de cuir et ajouté une petite languette de golf à clous. C’est fou comme un tel festival devient un bon basique. Ces derbies sont faciles parce qu’elles vont avec toutes les couleurs du quotidien.
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Et Maï de SuperByTimaï qui s’est dit, une fois son oeuvre achevée, « Putain, t’as tellement abusé, les pauvres, ils ne vont pas en vendre un ! C’est trop barré. (Elle se parlait dans sa tête, ça compte pas donc les gros mots) ». Maï est réalisatrice et « colordesigner » pour l’industrie cosmétique et le luxe, elle est une spécialiste de la couleur, ceci expliquant cela. Mais c’est beau non ?
Pour les curieux parisiens, Maurice Manufacture ouvre un Pop-up store (un point de vente éphémère) au Printemps Haussmann. Et je viens d’avoir à l’instant Philippe Granger et Ingrid Archetti (l’adorable italienne responsable du développement de la marque), on pourra dans un futur pas trop futuriste passer nous aussi nos commandes farfelues via la personnalisation. Miam.
EDIT DU 8 DÉCEMBRE : J’ajoute (c’est dans les commentaires) qu’il y aurait une centaine d’ateliers et d’usines en France fabriquant des souliers. Parmi eux, Louis Félix que je n’ai pas cité et dont je voudrais souligner le travail. Derrière ce nom, Billy Lagré qui créé de magnifiques bottines de luxe.
Merci à ma délicieuse Lisa de Make My Lemonade pour le Gif d’ouverture et les photos.