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Sophie Rioufol, propriétaire du multimarque de chaussures 58M
Laurence Dacade, Michel Vivien, Lanvin, Church’s, Tila March, la quintessence de la bonne shoes sans le bling bling d’autres adresses. Pour fêter sa décennie, Sophie a demandé à quatre créateurs très parisiens de lui confectionner un modèle sur-mesure, découvrez-les au fil de votre lecture.
On a déjeuné avec Sophie au Café Etienne Marcel (rue Etienne Marcel donc) (une rue de la mode à Paris) un mardi, on ne se connaissait pas. Au bout de cinq minutes, on était à deux doigts de se jeter dans les bras l’une de l’autre : nous avons fait la même école de théâtre – le Studio 34 – et partagé le même rêve, être actrice et metteuse en scène. Aujourd’hui, cette école n’existe plus, tout comme cette période magique de notre vie. (violons)
Comment est-ce que tout a commencé ?
Ma mère a monté les premières boutiques Freelance dans les années 80, et je n’arrêtais pas de lui dire « Tu ne veux pas qu’on fasse un truc ensemble, avec notre identité ?». L’idée est née de monter 58M (pour 58, rue Montmartre, l’adresse de la boutique). Ce que je ne voulais pas faire depuis toute petite, c’est-à-dire faire comme ma mère, je l’ai fait ! J’ai ça dans le sang et cela me rend heureuse. Je me suis rendue compte que vendre des chaussures, avoir un commerce, ce n’est pas qu’une question d’argent. C’est la dimension artistique et esthétique qui me plaît. Ça fait 10 ans que je me sens comme un poisson dans l’eau !
Si tu n’avais pas ouvert cette boutique, qu’aurais-tu fait ?
Je voulais être comédienne depuis que j’ai 10 ans. J’ai fait une école de théâtre après le bac et ce sont parmi les plus belles années de ma vie ! Après, j’ai galéré. Je pense que je n’avais pas la niaque pour courir de casting en casting et me faire parler comme à un chien par des directeurs de casting… Ils te disent que tu es trop belle pour faire partie des moches mais pas assez jolie pour faire partie des belles, ce type de rapport, ce n’est pas pour moi. J’ai donc repris mes études et j’ai intégré une école de communication médiation culturel qui s’appelle IESA, institut d’étude supérieur des arts. Un nom pompeux ! Je suis rentrée en deuxième année et j’ai trouvé ça génial. J’ai suivi des cours de com’ et d’histoire de l’art pendant deux ans, puis j’ai décroché des stages, d’abord chez Radio Nova puis au magazine Jalouse.
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Sandale en cuir velours, talon peint à la main, Michel Vivien pour les 10 ans de 58M
C’est le placard d’une femme : des chaussures pour bosser, danser, trainer ou être sexy,.. et aussi, je l’espère, un accueil sympa, chaleureux et pas hautain. Parce que, ça va, c’est cool comme métier, on n’est pas aux urgences, on vend des chaussures !
Comment as-tu fait au début ?
D’abord je commandais très peu, en tâtonnant. Encore une fois, j’ai été à bonne école. J’étais avec ma mère qui faisait ça depuis trente ans. Ce n’est pas comme si on était novice ! Au début, j’ai surtout écouté. Et je donnais mon avis… comme une fille avec sa mère : « maman, maman, tu veux pas qu’on achète ça ?! ». Ensuite, on écrivait « Marion » ou « Sophie » sous les commandes dans le stock. De cette manière, on savait ce qui avait marché et ce qui avait fait « banane » dans nos choix. Ma mère aimait bien les gros talons épais, carrés, très 70’s, moi ce que j’aimais, c’était les chaussures super girly, avec des talons vertigineux et des paillettes. Il a fallu qu’on s’accorde. Et c’est pour ça que la boutique a fonctionné dès le début : elle avait un concept qui plaisait à toutes les générations.
Et bosser avec sa mère ?
Bosser en famille c’est génial. Sauf que les engueulades sont beaucoup plus fortes. Quand ça gueulait, ça gueulait ahaha ! Souvent, ça partait d’un rien, un retard par exemple.
Comment est le quotidien dans une boutique de chaussures ?
Quand tu bosses dans une boutique de chaussures, c’est comme si tu étais esthéticienne. Les filles te montrent leurs pieds et comme c’est intime, cela déclenche la parole. Elles se dévoilent « excusez-moi, je n’ai pas eu le temps de faire ma pédicure » ou « excusez-moi, j’ai des pieds atroces ». Et puis il y a celles qui ont de très jolies petits pieds et qui crânent un peu. Il y a celles qui sont à l’aise, celles qui ne sont pas à l’aise, il y a les filles qui racontent vraiment leur vie, qui ont besoin de se confier. Il y a des clientes récurrentes, puis il y en a qui ne reviennent plus jamais, celles qui n’achètent pas mais ont un avis à donner sur ce qu’elles recherchent. Parfois on a une star qui vient un peu incognito, qui adore la boutique parce que c’est intime, qui aime être servie toujours par la même vendeuse. Il y a aussi les filles qui sont habillées un peu n’importe comment et qui vont dépenser plein d’argent et à l’inverse, celles qui sont griffées de la tête aux pieds et trouvent la sélection trop chère. Nous on aime cette partie du boulot. C’est vraiment un Vénus Beauté de la shoes !
Est-ce que c’est la crise dans les chaussures ?
C’est difficile, il y a une façon différente de consommer. Les filles vont à l’essentiel, elles ne sont plus dans les folies. Il faut vendre ce qu’on nous demande : du confortable, du facile, de l’indémodable. Et puis avoir la belle Charlotte Olympia en vitrine pour rêver.
Est-ce que tu te souviens des modèles qui ont eu un succès fou ?
Les UGG ! Quand on s’est mis à en vendre, on a été dépassé par le succès de cette chaussure… Réassorts sur réassorts. Alors que c’est loin d’être une chaussure que j’aime. Mais j’en portais moi-même !
C’est quoi tes marques préférées ?
Michel Vivien, je suis une fan absolue. J’ai beaucoup de connivence avec son univers, ses choix de matières de couleurs… Et ce qui ne gâche rien, l’homme est super sympa et très intéressant.
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Escarpin à bride cheville en cuir verni Tila March pour les 10 ans de 58M
Un escarpin Tila March compensé, vernis, bordeaux, avec une petite bride autour de la cheville. Et dans le même esprit, une paire de Michel Vivien rose pâle avec un petit nœud sur le dessus du pied, très Audrey Hepburn.
Quand tu passes tes commandes, tu sais déjà quelles paires tu vas prendre pour toi ?
Oui, mais alors, très souvent, je me plante ahaha !
Quelle est ta paire « forever » dans ton placard ?
Une paire de bottes en soie et lurex Michel Vivien. Je les avais commandées pour la boutique et il n’a jamais pu les fabriquer parce qu’il n’avait pas assez de tissu. J’en étais très triste. Mais un beau matin, j’avais la boîte sur mon bureau, il m’avait offert le proto !
Quelle est ta paire mythique, celle que tu n’as pas forcément ?
J’ai toujours fantasmé –c’est très générationnel – sur les chaussures de Bébé dans Dirty Dancing. Ces petites sandales de danseuse avec le petit talon, elles sont mythiques ! Elles donnent envie de danser.
Quel est ton prochain achat ?
J’ai flashé sur une paire de bottines noires avec des marguerites peintes à la main Martin Margiela. Elles ne sont pas dans la boutique : à ce prix-là, il n’y a que des tarées comme moi pour les acheter ahaha !
Qu’elle est ta plus grosse erreur de shopping ?
Je me suis achetée une paire de sandales en faux croco rose chez Chloé il y a sept ou huit ans. Je savais que je faisais une connerie ! Sinon, quand je repense aux No Box quand j’étais ado… aie aie aie. (les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître)
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Ballerine en cuir Repetto pour les 10 ans de 58M
J’aime beaucoup Lobato dans le Marais. Quant aux sites internet, je trouve ça super pour certains produits mais, personnellement, j’aime avoir le contact physique.
Combien as-tu de paires ?
Je dois avoir une trentaine de jolies chaussures. Je suis très raisonnable ! (euh oui je confirme)
Es-tu plutôt à plat ou sur aiguilles ?
Je marche beaucoup, je fais du vélo, je monte l’escalier de la boutique, je porte des cartons… J’aime les talons de quatre ou cinq cm.
Qu’est-ce que tu penses de cette mode des talons vertigineux ?
Je trouve ça très sexy. J’aime bien porter des talons très hauts quand je sors. Tu deviens une autre femme : ça fait de jolies jambes, ça resserre les fesses et les abdos, il y a tout ton corps qui est tendu.
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Bottine en cuir lamé, Laurence Dacade pour les 10 ans de 58M
Tu peux être grande, petite, grosse ou mince, les chaussures seront toujours à ta taille. C’est un bel objet qui dure. Je crois qu’il y a toujours eu un engouement autour des chaussures.
La comédienne elle s’y retrouve dans tout ça ?
Moi, ce que j’aime, c’est changer de peau. Et c’est ce que les chaussures ont à offrir.
Boutique 58M, ouverte du lundi au samedi (10h-19h et jusqu’à 19h30 le samedi) au 58, rue Montmartre à Paris dans le 2ème arrondissement. Tel. : 01 40 26 61 01.