Est-ce humain de passer une semaine à regarder des chaussures ? Non. (qui, en plus, ont le culot de vous narguer, comme ces Kitty Flat en mode frime de Charlotte Olympia)
Est-ce sérieux d’y consacrer tout son temps même quand le monde s’écroule ailleurs dans le monde ? Non.
Alors, je le fais quand même. Comme tous les 6 mois. Et je passe du Meurice et ses dorures, au métro et ses moisissures. D’une présentation dans un appartement dix fois grand comme le nôtre, avec vue sur les Tuileries, au bureau impersonnel du journal entre périph’ et bulldozers qui abattent les cités. Du champagne coulant à flots à l’inauguration de la dernière expo au Palais de Tokyo, au cordon bleu-haricot vert que je voudrais tant que mon fils avale enfin. Et puis quand je dis à mes colocs de bureau « je me sens un peu déphasée avec cette fashion week », forcément elles me rient au nez. Et je les comprends.
Pour fêter ma digne survivance, voici 2 ou 3 (voire plus) coups de coeur qui me donnent le baume au coeur.Quand j’étais en CM1, je me suis mangée une punition géante par la maîtresse, Melle Gelle, parce que j’avais échangé mes chaussures avec celles de ma copine Analia. Bon sang, ce qu’elles pouvaient me faire palpiter le coeur ces pompes. Le peu d’heures que j’ai passé avec elles semblent être les plus importantes de ma jeune vie de shoesista. Je pensais ne plus jamais les revoir, ces bottines lacées noires à bout pointu, signées André. Et bien, 25 ans plus tard, elles ont réapparu. Merci Hedi. Merci Saint Laurent.
Au défilé Chanel, on rencontre beaucoup de gens. Dont certaines femmes qu’on ne croiserait jamais autrement. C’est un peu comme le studio 54 à la grande époque, quoi. Il y a des princesses de l’argent comme je n’en vois qu’à travers les vitres fumées des berlines. Quand les créateurs qu’elles ont choisi ont du goût, elles portent des belles choses. Comme ces magnifiques escarpins brodés de motifs asymétriques signés Dior. Un pur ravissement.
Dans la mode, les gens sont fous (comme partout ailleurs d’ailleurs). Ils dépensent des fortunes juste pour la satisfaction d’un beau moment ou d’une belle chose (parfois, on appelle çà de la com’). À part le théâtre public français, je ne sais pas qui d’autre s’amuse à ce petit jeu de la ruine. Entre cette bottine entièrement rebrodée de pierreries (3000 euros) du suisse (mais néanmoins fort sympathique) (j’rigoooole) Jérôme C. Rousseau pour le printemps-été 2014 et ces cuissardes issues de l’expo Roger Vivier pour sa collection mimosa de 196*, on ne sait plus à quelle démesure se fier.
Avec mes copines de la mode, on est fan du j’m’enfoutisme ultra talentueux de Laetitia Crahay (la créatrice des chapeaux Maison Michel que tout le monde se dispute). Elle porte les emblématiques richelieus en cuir et gold Céline en plein pendant le défilé de sa boîte (Chanel), fuck le corporate quoi, elle y interpelle ses potes de loin et fait de drôles de positions avec ses pieds qui disent tout le cool qu’il y a en elle.
Dans la mode, les enfants sont bannis. Soit parce qu’ils rendent grosse, soit parce que c’est sale (beaucoup d’obsessionnels dans ce milieu), soit parce qu’ils ne rentrent tout simplement pas dans l’équation. En plus, la fashion week ne connaît pas le jour du seigneur. D’où d’où d’où cette photo bizarre. Elle est signée Alphonse, mon fils de 3 et demi que j’ai eu la facétie d’emmener à la très sélect présentation Tabitha Simmons. Un moment étrange. Lorsqu’on est arrivé, la terre entière de la mode était là, d’Anna Dello Russo, en passant par Café Mode, jusqu’à Garance Doré. Je regarde mon fils et je vois son visage se tordre en une grimace, il explose alors en sanglot. Une méchante lui a donné un coup de sac. Zuuut, qu’est-ce que je fais là avec mon doudou ?! Je suis folle ! Tout le monde se fout de nous sauf un gentil monsieur qui prend quelques instants pour nous parler avec douceur. C’est Craig Mc Dean. Puis, on reprend nos esprits et on commence à se détendre en prenant en photos TOUTES les chaussures. Alors que je suis appuyée contre une console, guidant les mains d’Alphonse pour faire cette photo ci-dessus, quelqu’un arrive à côté de moi, me fait un grand sourire et me dit « Il a quel âge ? Je suis tellement contente qu’il soit là, moi aussi j’ai deux enfants, j’adore leur demander les modèles qu’ils préfèrent ». La reine de la fête, Tabitha Simmons en personne, a pris quelques instants pour me dire ça, s’interrompant dans sa conversation avec le Vogue US. C’est amusant cette ambivalence envers les enfants n’est-ce pas ? Entre le ItKid qu’on amène au défilé pour faire bien (no comment) et les coups de sacs dans la tête… Tout un monde se déchire.
En tout cas, moi, celles que j’ai kiffé chez Tabitha, c’est les sandales Hamptons-Pérou, pointu comme style, nan ?
Dommage cette fôte d’ortaugraf du titre … que j’ai vuE !
@BVu @BVu merci !
J’adore (ce que tu racontes…et nous montres !). Ah le fashion-circus, il y a tant à en dire ! Tant d’ego à gérer et pourtant parfois une lueur d’humanité. Moi je n’ai pas eu le recul nécessaire, j’étais sans doute trop jeune et trop entière…
A part ça, moi aussi je meurs pour les Saint-Laurent, en tête de ma whist list de la saison prochaine.
Quand aux derbys Céline, que l’on voit beaucoup en ce moment, ils sont quand même à tomber !
Un vrai à lire ces articles ! Les Céline sont vraiment canons, j’en meurs d’envie…
Zut j’en perds mes mots, c’est « Un vrai plaisir à lire ces articles » !
Je fonds litteralement pour les Charlotte Olympia. Elles sont malheureusement inabordables et je n’ai pas vu passer d' »equivalent » qui soit joli a un prix plus raisonnable :'(