Comment tout a commencé.

charles-jourdan-shooooes

À l’heure où les grand-mères deviennent les nouvelles icônes des maisons de luxe (Chez Céline, l’écrivaine américaine Joan Didion prête un peu de son charisme intello au vestiaire de Phoebe Philo, Saint Laurent prend ses modèles Folk directement à la source avec Joni Mitchell ; le post de Géraldine vous offrira un tour d’horizon complet de la tendance) (c’est pathétique, mais je ne peux pas l’appeler autrement, même si cette tendance a des côtés franchement réjouissants)

À l’heure où trouver du sens à ce que l’on fait devient vital, après ce basculement irréversible vers l’inquiétude,

Quand la terreur est devenue virale (le flux Facebook est difficilement supportable en ce moment)

Quand l’amour de ce que les autres appellent le superficiel rend cette quête ardue,

J’ai envie de vous raconter un peu de personnel ce matin et de tirer un petit bout du fil de la pelote des shoes avec vous.

Sur cette photo, ce sont les chaussures de ma grand-mère, elle a 92 ans. C’est elle qui m’a transmis le virus. Pas juste celui des jolies chaussures, mais le virus de se propulser dans les étoiles avec juste un petit bout de cuir entre la terre et soi-même. Quand j’allais chez elle enfant, mon attention finissait toujours par se poser sur les paires de chaussures à talons rangées dans l’entrée. Je les regardais et chaque forme me parlait. Je projetais une histoire dans chacune d’elles. Leur couleur, leur hauteur m’envoyaient sur une autre orbite, dans un monde bâtit selon mes propres règles, dénué des contraintes de l’enfance et où je jouais le personnage principal de mes rêves.

Pour la plupart, elles étaient signées Charles Jourdan : comme cette paire de sandales en cuir dorée façon babouche des mille et une nuits à lacer autour de la cheville qu’elle portait à Noël dernier. Elles datent des années 70. Quand on pouvait encore s’acheter de belles chaussures sans gagner un salaire mirobolant. J’aime la délicatesse du collant noir très fin, quelle élégance !

Après avoir observée les chaussures, allongée de tout mon long sur le carrelage, je lui demandais toujours si elle pouvait me les prêter. C’était invariablement d’accord. Et là, mon théâtre commençait. Les yeux rivés sur une paire d’escarpins de jour vert pomme et noir :  » Bon, allez hop en réunion, venez, traversons le grand couloir, nous avons de grandes décisions à prendre, dépêchons-nous, vite, marchons, oui je vous attends, passez-moi les dossiers, bon alors, faites-moi votre rapport », une sandale orange ornée d’une fleur « comme cette femme est belle, quelle démarche, quelle élégance, cette fête est parfaite, la vie aussi, nous allons dans un château magnifique, vite ne ratons pas la voiture, comme ces paysages sont beaux, oui je vais bien merci mon cher, je suis très heureuse.  »

La beauté d’un détail, d’une fleur de cuir, d’une couleur, d’une hauteur de talon ou encore d’une bride sur le pied dessinaient les contours d’une femme à jouer et me donnaient la matière première pour malaxer mes rêves. Je cristallisais tous mes désirs autour de ce petit bout de truc.

Vous vous rendez compte d’où je pars ! Remarquez, il en fallait une couche pour faire un blog hein ?

À 10 millions de partages, je me mets toute nue en Loubout’ à Répu.

16 commentaires

  1. Elli - 19 janvier 2015 - Répondre

    wow très belle histoire, très belles chaussures aussi ! 92 ans ? C’est incroyable qu’elle ait encore de si jolies chevilles et pas les pieds déformés comme les autres grands-mère

    1. Mathilde Toulot - 19 janvier 2015 - Répondre

      @Elli Oui oui 92 et 93 cette année ! À cet âge-là on ne le cache plus :) on en est fière je crois !

  2. Emmanuelle - 19 janvier 2015 - Répondre

    C’est adorable
    Merci de nous faire partager ces souvenirs

    1. Mathilde Toulot - 19 janvier 2015 - Répondre

      @Emmanuelle Je suis heureuse que cela vous plaise :)

  3. Gaëlle - 19 janvier 2015 - Répondre

    Merci Mathilde pour ce doux moment de souvenirs que tu nous livres, et quelle chance d’avoir une grand-mère si coquette à cet âge avancé ! Elle assure, à l’évidence tu sais de qui tenir :-)

    1. Mathilde Toulot - 19 janvier 2015 - Répondre

      @Gaëlle Elle est un modèle pour moi… Si élégante ! Je ne le suis pas autant, même à mon âge ! lol

  4. Lise Huret - 19 janvier 2015 - Répondre

    Te lire est un tel régal !

    1. Mathilde Toulot - 19 janvier 2015 - Répondre

      @Lise Huret Merci, c’est bon d’être encouragée… :)

  5. Vanina - 19 janvier 2015 - Répondre

    Magnifique cet article et l’histoire personnelle! Merci de nous en faire part…ça m’a fait penser à ma grand-mère aussi, très élégante et inspirante.
    Encore une fois – un vrai plaisir de lire tes articles!

    1. Mathilde Toulot - 19 janvier 2015 - Répondre

      @Vanina Nos grand-mères sont inspirantes décidemment ! :) bise

  6. jicky - 20 janvier 2015 - Répondre

    très chouette histoire qui me parle d’autant plus que ma grand-mère couturière (Gabrielle, mais pas Chanel! :-) avait un dressing plein de boîtes à chaussures jusqu’au plafond, que sa soeur faisait des défilés de mode pour personnes âgées à 97 ans (elle est morte à 103! et ne portait alors « jamais de « robe plissée parce que ça fait mémé » (sic), et que mon gd père était cordonnier… Après, on s’étonne de certains « virus »…. :-)

  7. jicky - 20 janvier 2015 - Répondre

    ps: je trouve chouette qu’une femme de 92 ans ne passe pas forcément aux Scholl et autres Mephisto plates…

  8. Anne - 20 janvier 2015 - Répondre

    Quelle élégance! 92 ans? incroyable!

  9. Miss Zaza - 21 janvier 2015 - Répondre

    Elles sont superbes, quelle belle histoire, à 92 ans ! C’ets genial, j’espere que je serai comme ca aussi :)

  10. virginie/mode9 - 21 janvier 2015 - Répondre

    Dis moi, tu ne serais pas un peu actrice sur les bords plutôt ? hi hi
    Et en revanche, ne me dis pas que ce sont les jambes (enfin les pieds) de ta grand-mère !!! Parce que sinon je VEUX connaitre son secret de jeunesse éternelle !

  11. Eloise Isa - 12 février 2015 - Répondre

    Bonjour, cette histoire est magnifique ; on sent vraiment que c’est un vécu qui t’a marqué et cela touche les gens qui lisent ce beau récit, tout comme moi. Je n’ai pas eu l’occasion de porter les chaussures de ma grand-mère, mais, en voyant les miennes, elle revient à son époque tout en me désignant et en me précisant les modèles et les infimes parties des chaussures qu’elle avait.

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