Voici l’équation de la discorde.
Balenciaga invente il y a quelques saisons une espèce de bottine avec semelle très épaisse, ouverture sur la malléole, surpiqûres masculines esprit 50’s, le tout garni de multiples boucles. Un poids lourd du style, impossible à obtenir. Ou alors, il faut se mettre sur liste d’attente (en montrant patte blanche) (c’est à dire, en prouvant que vous êtes déjà cliente), attendre le coup de fil de la boutique, et y courir DANS L’HEURE. Je n’ai pas ce genre de pratiques, mais j’ai assisté aux affolements qui suivent de tels appels.
L’allure qu’offrent les Balenciaga est certes singulière mais elle est devenue ce que toute marque désire au plus profond de ses fonds de pensions : indispensablement air-du-tempstesque. Un style que toutes les filles veulent, mi-rock, mi mec. Une désinvolture bien ancrée dans ses écrase-caca.
Du coup, même des marques de caractère se rallient à la cause. Ainsi, Givenchy propose une très belle version dotée de chaînes. Le tout à 1150 euros. Pour les initiées en somme (ou carrément les délits d’initiés ahahah).
C’est là qu’entrent en jeu les dévoreurs d’idées. Ceux qui avalent uniquement la partie la plus consommable pour en recracher un modèle plus digeste, tant au niveau du style que du prix. Une copie, en un mot. Est-ce pour autant tout rôti dans leur bouche ? Franchement, non. La copie est une démarche qui me fascine, je l’ai déjà moult fois dit. C’est avoir un véritable oeil de lynx sur ce que font les autres mêlé à un « rien à foutre » façon Attila. Ici, Sandro récupère la semelle épaisse (elle-même issue de la tendance « motard ») et l’ouverture sur la malléole, grande nouveauté de structure proposée par Balenciaga. Puis, chez Givenchy, elle pique l’épure de la forme et la chaîne rock qui brille. Le tout, emballé et pesé pour 395 euros. Ce n’est pas « premier prix » mais c’est… accessible.
Alors, que faire quand on n’a pas les moyens de se payer l’air du temps ? On se serre la ceinture (ou on s’arrête carrément de manger à ce prix-là) pour rester loyal face à la création ? On révise ses ambitions à la baisse et on se contente d’un style plus passe-partout, étant lui même une copie de créations plus anciennes ?
Question de déontologie. À chacun de faire son choix.
Personnellement, à l’instant même où vous lisez tout ça, je suis à la boutique Sandro la plus proche.
Zara est passé maître dans cet exercice (« dévoreur d’idées + oeil de lynx »)
… là où c’est fort, aussi, c’est quand le it-truc copié devient à son tour .. un it-truc. À leur niveau, c’est ce qui s’est passé avec les cut out boots Arabel (Topshop). OU ce qu’à réussi à faire Zara avec ses sacs cabas à la fois pseudo Celine & pseudo Marni….
Total pipo. Le seul truc qui vous faisait envie sur les Ginvenchy, c’était le prix : 1500 E. Le seul truc qui vous fait envie sur les Sandro, c’est encore le prix :350. En gros vous achetez des godasses qui valent pas plus de 100 à 350 parce que vous pensez acheter des godasses qui vaudraient 1500.
Voilà, je viens de définir en 4 lignes ce qui fait 99% de ce qu’on appelle «la mode». Dans 2 mois vous aurez complètement oublié ces godasses pour d’autres, pourvu qu’elles soient chères.
Vous êtes vous demandé ce qu’il y avait en amont de la chaussure Balenciaga … le bureau de style … la création… la mise au point après plusieurs échecs …la communication pour en faire une it-chaussure etc… tout cela a un prix . Sandro n’a qu’a regarder le résultat et copier (plutot mal) ; finalement seuls les amateurs de chaussures verrons la grande différence et tant pis pour les autres qui enrichissent des financiers en payant trop cher un faux
Oula! Je suis vraiment très heureuse pour toi Mathilde, de voir ton blog repris par Le Monde… mais à la vue des commentaires plus haut qui relient tout de suite la mode à l’économie/la crise/la mort du peuple, seigneur! Où sont passés les amateurs de mode qui viennent ici pour ne parler que de détails superficiels mais qui donnent le sourire et infiltrent de la bonne humeur le matin, au milieu de ces bougons qui ne pensent qu’à râler sur la conjoncture actuelle?
J’espère de tout coeur que ta ligne éditoriale ne changera pas, et que tu ne prendras pas en compte tous ces commentaires… déprimants.
@Caroline Hello Caroline ! Voui… Je ne suis pas là pour me bagarrer sur la légitimité ou non de l’existence du luxe mais bien pour en parler avec sérénité et plaisir. Je te rassure, ma ligne ne changera pas et tous les commentaires grincheux n’apparaîtront plus. Merci pour ton message ! :)
Ouaip en effet l ouverture sur « le monde » ne va pas avoir que des effets positifs…
Très intéressant, comme d’hab…
Je penche plutôt pour ne pas acheter de copie, d’ailleurs dans ce cas précis, perso je trouve très moches les originaux, donc je passe mon tour ;-) Mais j’ai l’exemple d’une blouse Zara achetée cet été, imprimé tartan tout à fait esprit Dries mais en polyester, ben je l’ai portée une fois, et depuis, j’ai l’impression de trahir ce créateur que je chéris tant mais dont je n’ai pas les moyens de m’offrir les vêtements.
C’est un peu hors sujet, mais ça me fait pareil pour les meubles ; une collègue m’a indiqué un site qui vend des reproductions de grands designers passés ou présents, beaucoup moins chers bien sûr. J’aurais des scrupules à me laisser tenter, non pas que Vitra soit plus légitime à produire des chaises Eames en plastique moche, alors que les vintage sont si belles en fibre de verre usée par le temps…
Bref, je n’ai pas trop fait avancer le schmilblick !
@Gaëlle @Gaëlle Difficile de faire avancer le schmilblick de toutes façons ! Acheter de la copie ou ne pas en acheter, c’est un embroglio économique et déontologique inextricable… A chacun de gérer selon son degré de frustration ! ;) et tu as raison, c’est tout à fait la même chose avec le design.
Bel article, bien pensé.
Je suis aussi fascinée par les copieurs, plus nombreux que les vrais créateurs et sans scrupules.
J’ai été tenté comme toi par une paire de Sandro, à 400€ quand même (=une paire de Louboutin classique) et elles m’ont durées 2 jours /
Elle n’ont pas aimé du tout la pluie parisienne /
Du coup je me pose une question ? Entre 1000€ de qualité, 400€ de la merde fait en Chine ou 100€ chez Zara fait en Espagne… Quel chemin choisir ?
@Martine @Martine, c’est comme quand on achète une machine à laver !!! La Miele à 1000 euros pour les 20 ans à venir, ou la Bosch à 500 euros qui peut crever 15 jours après la fin de garantie d’ici à 2 ans ? pas de réponse…
Et que penser de cela : http://www.yoox.com/fr/44575322XE/item?dept=shoeswomen#sts=sr_shoeswomen80&cod10=44575322XE&sizeId= ?!
Merci pour ce blog particulièrement intéressant =)
Je n’ai rien à voir avec la mode et c’est pas mon truc. Mais j’aime bcp l’aspect création VS copie traité ici. Je me permettrais de reprendre cet exemple pour des interventions sur la créativité. :)
Comme je disais dans l’article sur Nicholas Kirkwood, il faut une balance ce type de chaussures sied fortement à une robe très féminine.
Dans tous les cas, je suis fan.
J’ai pris et les balenciaga et les sandro = morale de l’histoire? Je compte revendre uniquement… les sandro.
Il n’y a rien à faire mais parfois l’original ne peut avoir d’imitation même si chanel aimait ce type de flatterie.
coucou, à quand un nouvel article ?